Les Unités écologiques
La Haute Vallée de la Loire présente une grande diversité de milieux et de paysages depuis des secteurs de gorges relativement encaissées et de versants abrupts, milieux d’une rare richesse floristique et véritables refuges pour la faune sauvage, aux zones où le fond des vallées s’élargit permettant l’installation sur les alluvions de prés et de pâtures.
Climat, géologie et histoire sont les trois grands facteurs qui expliquent la richesse et l’originalité de la vie dans la vallée.
Ainsi le climat joue un rôle majeur dans l’expression de la diversité biologique. Comme cela a déjà été dit, le territoire concerné subit des influences méditerranéennes qui suivent loin en aval la vallée de la Loire et des influences atlantiques atténuées selon un gradient décroissant d’Ouest en Est. Le rôle de l’exposition est lui aussi déterminant dans la répartition des espèces. Les multiples nuances méso ou microclimatiques qui en résultent, se traduisent notamment par la présence simultanée d’espèces montagnardes et sub-méditerranéennes au niveau de la flore et de la faune. La richesse floristique résulte aussi de la diversité des substrats géologiques (socle granitique, émissions volcaniques, sédiments, alluvions).
Enfin, le patrimoine biologique doit une partie de sa richesse à la gestion passée du territoire. La mosaïque de milieux très variés que l’on observe est souvent le témoin des anciennes pratiques agropastorales.
L’évocation des principaux milieux du haut bassin de la Loire et de leurs espèces les plus remarquables permettra de donner une idée de la richesse de la faune et de la flore.
Les cours d’eau (Loire et affluents) et leur lit
Différents types de groupements végétaux riverains s’organisent en une mosaïque complexe le long de la Loire et de ses affluents.
Dans les eaux courantes au régime capricieux de la Loire, il y a très peu de plantes hydrophytes, végétaux qui ont en commun de vivre complètement immergés. On peut en observer surtout dans les dépressions creusées par les crues à proximité du lit mineur de la Loire et dans les bras morts (Potamot, Myriophylle…).
A la périphérie de ces eaux plus stagnantes s’installent les roselières avec la Massette d’eau, le Roseau commun (et autres espèces): elles sont caractérisées par la présence d’une nappe d’eau permanente, plus élevée au printemps et plus basse l’été. Des groupements à Faux-roseau, Lysimaque vulgaire, Menthe à longues feuilles colonisent les bancs d’alluvions déposés par le cours d’eau et souvent remaniés par les crues. Le Saule pourpre, buissonnant, constitue des peuplements denses dans les dépressions où se déposent les limons et le long du fleuve.
Les groupements forestiers riverains, ou ripisylves, installés sur les alluvions les plus proches du cours d’eau comportent l’Aulne glutineux, le Peuplier noir et le Saule blanc. En retrait, le Frêne élevé domine avec l’Orme champêtre dans des sols encore mieux aérés et moins influencés par la nappe phréatique. Certaines de ces forêts riveraines sont localement étendues dans les zones d’élargissement du lit majeur (exemple la ripisylve de La Planche).
La répartition de ces milieux est liée à la disponibilité en eau. D’une manière générale, ces milieux sont très diversifiés et très riches biologiquement, perpétuellement rajeunis par la dynamique hydraulique et peu soumis à l’intervention humaine.
La vie dans le courant de la rivière
La Loire est une rivière de première catégorie pour la pêche. Ses eaux vives et fraîches, bien oxygénées, constituent l’habitat privilégié des Salmonidés (Truite, Ombre), ainsi que d’autres espèces comme le Vairon ou le Goujon. Nombre d’invertébrés vivent sur le fond de la rivière pour échapper à la force de l’eau, le courant étant plus faible qu’en surface. Pierres, racines d’arbres, végétaux aquatiques servent aussi de refuges. Certains animaux réussissent si bien leur vie dans ces conditions difficiles qu’on ne les trouve que là, ne pouvant satisfaire leurs exigences alimentaires et respiratoires que dans des zones à courant rapide. Ils présentent des adaptations morphologiques et comportementales leur permettant de résister à l’entraînement par le courant.
Les ancyles, mollusques, adhèrent fortement par leur pied aux pierres à la surface desquelles ils se nourrissent en raclant l’enduit de bactéries et algues microscopiques qui les recouvre.
Les gamares, crevettes d’eau douce d’à peine un cm de long, sont aplatis latéralement et vivent sous les pierres et entre les mousses, en se nourrissant des débris végétaux apportés par le courant.
De nombreuses larves d’insectes (éphémères, perles), sont aplaties dorso-ventralement et se plaquent sur les pierres pour éviter d’être entraînées par le courant. Ultra-plates, elles aussi, pratiquement collées aux pierres, les planaires (vers plats), passent inaperçues. Par contre, les larves de simulie (insecte), fixées aux rochers par les épines de leur extrémité postérieure, affrontent franchement le courant pour filtrer le plancton. Et les « vers d’eau » (en fait une larve d’insecte, le phrygane), avec son étui constitué de grains de sable collés entre eux -un bon camouflage et un bon leste à la fois- s’accroche avec ses pattes aux anfractuosités des roches.
Les Invertébrés aquatiques indiquent une bonne qualité de l’eau dans l’ensemble dans la partie amont du bassin (présence de Plécoptères).
De nombreuses espèces de Libellules habitent les gorges ; le Cordulegastre annelé, le Calopteryx vierge, l’Aeschne paisible. La Cordulie à corps fin est ici en limite altitudinale de répartition pour l’espèce.
Les Poissons sont représentés par le Chabot, le Vairon et surtout la Truite et l’Ombre, sans oublier la présence ancienne du Saumon dont les frayères sont toujours présente.
Les Batraciens possèdent de belles populations de Sonneur à ventre jaune et de Grenouille rousse.
Les reptiles aquatiques, Couleuvre à collier, Couleuvre vipérine sont bien représentés.
Les Oiseaux peuvent être nicheurs (Cincle plongeur, Bergeronnette des ruisseaux, Chevalier guignette) ou de passage (Aigrette garzette, Balbuzard).
Chez les Mammifères, la Loutre est présente ainsi que la Musaraigne aquatique.
Les Rochers
Les versants rocheux abrupts sont abondants dans les gorges. Difficiles d’accès, zones refuges pour la flore et la faune, ils abritent plusieurs espèces protégées et de nombreuses espèces rares. Les conditions écologiques y sont sévères: insolation, écarts thermiques importants, absence de sol, absence de réserve en eau.
Quant à cette dernière, elle s’est fortement encaissée après la constitution du plateau du Devès et son satellite le plateau d’Alleyrac.
Après la formation de la vallée de la Loire, il y aura encore quelques épisodes volcaniques assez limités, les coulées qui en résultent se trouvent dans les vallées actuelles. C’est le cas de la coulée de Colempce et de celle de Goudet, situées un peu au dessus du niveau actuel de la Loire. Cette dernière activité volcanique pourrait s’être achevée il y a quelques centaines de milliers d’années
En ce qui concerne la faune, on note plusieurs espèces intéressantes tels que le Hibou grand-duc, le Grand Corbeau et l’Hirondelle des rochers. Le retour du Faucon pèlerin est réalisé mais encore précaire. L’Accenteur alpin et le Tichodrome sont des hivernants réguliers. Certains Mammifères comme le Renard, la Fouine utilisent volontiers ces milieux d’accès difficile.
Les forêts de versants
Les formations forestières de versants d’une manière générale permettent le maintien des sols rocailleux pentus et font office de refuge pour la faune. Elles servent ainsi d’abri à de nombreux Mammifères (Chevreuil, Sanglier, Martre, Blaireau) et de secteur de nidification à de nombreux rapaces (Autour, Epervier, Circaète) ou à certaines espèces spécialisées (Pic noir, Grimpereau des bois).
Les essences locales sont le Pin sylvestre, le Chêne sessile, le Hêtre: on rencontre aussi de manière localisée le Sapin blanc.
– Les pinèdes à Pin sylvestre dominent et témoignent, succédant aux landes à genêts, de la déprise agricole déjà ancienne de ces zones difficiles d’accès. Ces bois sont abondants sur les versants granitiques, le Pin s’installant facilement sur les sols filtrants et acides. B Joubert affirme que les plus beaux spécimens départementaux poussent dans le secteur.
Pour s’en convaincre, il suffit de descendre au Mas de Bonnefont et sous les Salles du Brignon. A côté des futaies, on rencontre aussi des peuplements de pins de boulange aux troncs courts, noueux, tordus et ramifiés du fait de leur ancienne utilisation pour fournir les branches des fagots utilisés dans les fours à pain.
Le Pin sylvestre peut aussi coloniser les vires des versants abrupts où le sol est pratiquement absent et certains individus s’accrochent aux fissures du granite parfois en pleine paroi.
– Les chênaies (Chêne sessile) colonisent les versants aux expositions intermédiaires. Dans le temps, elles succèdent souvent à la pinède. Le Chêne sessile est un arbre relativement peu exigeant, à croissance lente, capable de vivre sur des sols pauvres.
La dynamique de reconquête de la chênaie est ainsi longue (plus de 50 ans). Elle s’observe en de nombreux endroits de la vallée, en particulier vers Archinaud (sous-bois de chênes dans les pinèdes).
Entre pinèdes et chênaies, on trouve sur des substrats bien ensoleillés des peuplements mixtes, où le Chêne sessile côtoie le Pin sylvestre formant des pinèdes à chêne sessile (en fait stades intermédiaires dans la colonisation par le chêne).
– Les Hêtraies ne s’observent qu’en exposition Nord. Elles sont donc relativement rares et très localisées. Des peuplements intéressants s’observent sur la commune du Brignon et sur celle de St-Martin-de-Fugères.
– Les forêts de ravins sont caractérisées par les Erables mêlés au Tilleul ou au Hêtre. Leur ambiance est sombre et humide. Elles hébergent des espèces rares comme le Fusain à larges feuilles (signalé pour la première fois en Haute-Loire en 1995) ou protégées telles que le Lis martagon, la Cardamine à cinq folioles.
– Au bord des ruisseaux, le Cerisier à grappes se mêle à l’Aulne pour constituer une ripisylve étroite.
Ces deux types de forêts constituent des habitats prioritaires à l’échelle européenne.
La topographie a heureusement empêché l’enrésinement par l’Epicéa dans les gorges. Par contre de grandes surfaces ont été reboisées en Epicéa sur les plateaux.
Les landes et fruticées
Milieux caractéristiques de la déprise agricole, leur dynamique est liée à l’abandon du pâturage. Zones de transition entre prairies et forêts, les landes hébergent une avifaune particulière avec les Busards cendré et Saint-Martin, le Bruant fou, la Locustelle tachetée ou l’Engoulevent. Les Reptiles (Vipère aspic, Couleuvre d’Esculape, Lézard des murailles) exploitent largement ce milieu.
On distingue plusieurs types de landes suivant les ligneux bas dominants (eux mêmes liés aux types de sols).
– Les landes à Genêt à balai sont installées sur des sols profonds de terres anciennement cultivées. Landes à courte révolution (moins de 20 ans), elles sont souvent associées à la fruticée épineuse. Cette dernière se caractérise par des espèces arbustives comme le Prunellier, le Genévrier, les Eglantiers, les Ronces…
– Les landes à Genêt purgatif sont, elles, installées sur sols minces ou roche presque à nu, au sommet des buttes granitiques ou basaltiques, sur forte pente ou dans les zones dégradées par l’érosion. Ce sont des landes à durée de vie indéterminée, en tous cas très longue.
Les pelouses sèches
Ces formations herbacées (dites ouvertes) résultent d’un pâturage ovin ancestral qui a épuisé les sols. Situées sur les versants sud, elles bénéficient d’un microclimat ensoleillé et chaud. Nombre d’entre elles sont installées sur basalte ou brèches volcaniques et surplombent les vallées.
Les sols sont peu épais, secs et pauvres en matière azotée. Formations végétales pauvres sur le plan agronomique, elles présentent une grande richesse sur le plan botanique, accueillant des espèces peu courantes comme la Gagée de Bohême (sur la liste rouge des espèces protégées en France), l’Hélianthème des Apennins, la Joubarbe à toile d’araignée…
Les zones humides
La définition de ces écosystèmes donnée par la loi sur l’Eau du 3 Janvier 1992 est la suivante:
» on entend par zones humides, les terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau de façon permanente ou temporaire. La végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles (qui ne peuvent vivre que dans des milieux humides) pendant au moins une partie de l’année. »
Sur le territoire concerné, à côté de mares, de dépressions creusées par les crues à proximité du lit mineur de la Loire et de la Gazeille, de bords des ruisseaux, on retiendra surtout le marais d’Agizoux malheureusement fortement endommagé par les drainages et les étangs de l’ancienne gravière du Chambon.
Ces milieux d’eaux stagnantes sont surtout intéressants pour les batraciens (la Grenouille rousse est souvent abondante et la Grenouille rieuse, espèce rare dans le département, s’observe dans quelques sites) et les oiseaux migrateurs, leur fournissant abri et nourriture. Les oiseaux de passage peuvent y être très variés, les nicheurs sont en nombre plus restreint
Sources/Bibliographie :
Fuchs A, Bringer P. 1998. Inventaire des habitats et des espèces pour la mise en place du réseau Natura 2000 en Haute Loire. DIREN Auvergne et Nature Haute Loire.
Nature Haute Loire. 1998. Programme Life- Loire Nature, propositions d’actions sur le haut bassin de la Loire.